À Dijon, Maxence Rey se dévoile au Musée des Beaux-Arts
Dans la galerie de Bellegarde, sous la voûte en berceau en bois, quelle est cette femme hiératique vêtue de noir, assise sur un cube blanc ? Elle semble statufiée, cette femme aux cheveux à la garçonne, avec son étrange chapeau noir. Elle semble incongrue au milieu de ces tableaux de la Renaissance et de l’époque baroque. Pourtant, elle est figée comme ces figures conventionnelles qui sont en représentation sur les murs, et à la fin, elle leur ressemble. Que sont ces « Bois de l’ombre » ?
Petit à petit, la danseuse s’anime, mais les mouvements effectués alors qu’elle est assise, sont progressifs et saccadés comme ceux d’une marionnette malhabile. Ils viennent de l’intérieur, du plexus, du ventre, comme poussés par une force qui les propulse malgré eux. Le résultat est fort et on cherche ce que l’on trouve parfois, une adéquation avec les tableaux environnants. Effectivement, certains gestes se retrouvent dans les exagérations des personnages peints et rendus expressifs pour signifier ou pour enseigner un comportement social.
Le spectateur est dans une proximité troublante avec la danseuse : placé sur le même plan que l’interprète, il se sent ainsi directement concerné par ces arrachements qui sont comme une naissance. Apercevrait-on des bribes de ce que les convenances sociales obligent l’individu à cacher ? Chaque nouveau mouvement provoque un enchaînement gestuel qui en induit un autre, ainsi, une progression s’opère vers l’animé, vers ce qui semble être l’humain. Les attitudes sont belles et, en même temps, elles sont faites dans la tension. Par l’effort musculaire, elles traduisent la difficulté à se débarrasser du superflu.
Petit à petit, le corps se dénude à son tour, le chapeau, la perruque noire, puis la robe sont jetés aux orties. L’apparition de la parole est suggérée par les lèvres qui articulent dans un souffle le poème Les Bois de l’Ombre d’un poète portugais. Le corps dévoilé devient l’unique sujet de la danse. Il entre en résonance avec le tableau voisin qui représente une Vénus lascivement endormie, vêtue seulement de ses bijoux. Elle est nue, quasi extatique. Que se cache-t-il derrière ce visage qui n’est pas celui d’un déesse majestueuse et consciente de sa beauté ? Que se cache-t-il derrière la femme fabriquée par les magazines ?
Danaé se dissimule derrière la déesse, comme la femme de chair et d’os obligée de se cacher sous des oripeaux qui la stigmatisent. Ainsi, Maxence Rey interroge avec angoisse, avec lucidité aussi, la position qu’occupe la femme dans la société. Pourtant, à la toute fin, se dégage une lueur d’espoir.
Suite au Parcours Chorégraphique (Extensions Les Bois de l’Ombre et CURIOSITIES solo) au Musée des Beaux-Arts dans le cadre du festival Art Danse Bourgogne – Dijon – 31 janvier 2018