La poésie chorégraphique de Maxence Rey chaloupe aux Hivernales
Ce 12 février, jour de clôture du festival Les Hivernales, toujours à Avignon, c’est au cœur de la superbe exposition Abdelkader Benchamma, à la Collection Lambert, que Maxence Rey et Nicolas Losson se prêtent à une bulle d’écoute dansée du poème [Passionnément] de Ghérasim Luca.
Pour nous ce fut au matin, à 11 heures, ce qui en période de festival s’apparente à un réveil. Mais la courte pièce, trente minutes, se donnait également à 14 et à [16] heures. Et cela a son importance compte tenu du lieu où elle se passe. Nous sommes dans la verrière de la Collection Lambert, le plafond est fait de caissons qui alternent lumière du jour et néons blancs. En fonction du soleil, l’ambiance n’est pas la même. Ce matin, le halo était enveloppant et généreux pour le duo. Il aura fallu pour accéder à eux, d’abord traverser les dessins en noir et blanc, comme de la dentelle, de Benchamma qui débordent du cadre avec des explosions. La salle de la verrière est un décor parfait car le trait de cet artiste laisse de la place à d’autres libertés, il n’écrase ni le regard, ni la présence d’autres.
Elle est danseuse, et lui guitariste. Le spectacle est une déclamation de poésie, mise en rythmes et en mouvements. Le poème commence comme ça : ( ndlr : lisez à haute voix, sinon vous ne comprendrez rien ! )
« pas pas paspaspas pas pasppas ppas pas paspas le pas pas le faux pas le pas paspaspas le pas le mau le mauve le mauvais pas paspas pas le pas le papa le mauvais papa le mauve le pas paspas passe paspaspasse passe passe il passe il pas pas il passe le pas du pape pas du du pape sur le pape du pas du passe passepasse passi le sur le le pas le passi passi passi pissez sur le pape sur papa sur le sur la sur la pipe du papa du pape pissez en masse passe passe passi passepassi la passe la basse passi passepassi la passio passiobasson le bas le pas passion le basson et et pas le basso do pas paspas do passe passiopassion do ne do ne domi ne passi ne dominez pas ne dominez pas vos passions passives »
C’est donc une langue qui se scande et qui dans le fond raconte que dire « je t’aime » peut être compliqué, que cela peut amener à bégayer, à balbutier. Maxence fait chalouper son bassin de gauche à droite, les pieds restent ancrés au sols, puissants, solide. Elle est solaire, livre ce poème si dur à lire avec une fluidité limpide. A la guitare Nicolas Losson ne joue pas une mélodie, il marque les scansions des mots.
Le corps de Maxence Rey devient un outil de compréhension du long poème. Elle décoince ses pas, ouvre ses bras, amène un mouvement qui embarque la tête. Sa danse se fait légère, accueillante.
PASSIO.PASSION extension porte bien son nom. Cette poésie dansée et écoutée devient autre chose, comme une métamorphose. C’est intelligent, c’est doux. En résumé, c’est une petite forme que l’on aime, un peu, beaucoup, à la folie… non ! Passionnément !
Suite aux représentations de PASSIO.PASSION extension à la collection Lambert, Avignon, dans le cadre du festival Les Hivernales-CDCN Avignon – 12 février 2022
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