PASSIO.PASSION

[VU] LES HIVERNALES, UNE 44E ÉDITION RICHE EN ÉMOTIONS

Avec ses 23 représentations, la 44e édition du Festival Les Hivernales a tenu toutes ses promesses. Une édition riche en émotions et en discussions. Retour.

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La voix, il en était question chez Maxence Rey avec son PASSIO.PASSION à la Collection Lambert. La chorégraphe met en mouvement la poésie de Ghérasim [Luca]. Avec une certaine théâtralité, elle fait résonner les mots du poème Passionnément sur une musique en live de Nicolas Losson dans le décor fantastique, ici, d’une œuvre d’[Abdelkader Benchamma]. Elle offre l’occasion au public de croiser cet immense poète et donne parfaitement corps à ses mots. Une belle proposition qui cueille son public invité, lui aussi, à dire ce Passionnément.
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Suite aux représentations de PASSIO.PASSION extension à la collection Lambert, Avignon, dans le cadre du festival Les Hivernales-CDCN Avignon – 12 février 2022
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La poésie chorégraphique de Maxence Rey chaloupe aux Hivernales

Ce 12 février, jour de clôture du festival Les Hivernales, toujours à Avignon, c’est au cœur de la superbe exposition Abdelkader Benchamma, à la Collection Lambert, que Maxence Rey et Nicolas Losson se prêtent à une bulle d’écoute dansée du poème [Passionnément] de Ghérasim Luca.

Pour nous ce fut au matin, à 11 heures, ce qui en période de festival s’apparente à un réveil. Mais la courte pièce, trente minutes, se donnait également à 14 et à [16] heures. Et cela a son importance compte tenu du lieu où elle se passe. Nous sommes dans la verrière de la Collection Lambert, le plafond est fait de caissons qui alternent lumière du jour et néons blancs. En fonction du soleil, l’ambiance n’est pas la même. Ce matin, le halo était enveloppant et généreux pour le duo. Il aura fallu pour accéder à eux, d’abord traverser les dessins en noir et blanc, comme de la dentelle, de Benchamma qui débordent du cadre avec des explosions. La salle de la verrière est un décor parfait car le trait de cet artiste laisse de la place à d’autres libertés, il n’écrase ni le regard, ni la présence d’autres.

Elle est danseuse, et lui guitariste. Le spectacle est une déclamation de poésie, mise en rythmes et en mouvements. Le poème commence comme ça : ( ndlr : lisez à haute voix, sinon vous ne comprendrez rien ! )

« pas pas paspaspas pas pasppas ppas pas paspas le pas pas le faux pas le pas paspaspas le pas le mau le mauve le mauvais pas paspas pas le pas le papa le mauvais papa le mauve le pas paspas passe paspaspasse passe passe il passe il pas pas il passe le pas du pape pas du du pape sur le pape du pas du passe passepasse passi le sur le le pas le passi passi passi pissez sur le pape sur papa sur le sur la sur la pipe du papa du pape pissez en masse passe passe passi passepassi la passe la basse passi passepassi la passio passiobasson le bas le pas passion le basson et et pas le basso do pas paspas do passe passiopassion do ne do ne domi ne passi ne dominez pas ne dominez pas vos passions passives »

C’est donc une langue qui se scande et qui dans le fond raconte que dire « je t’aime » peut être compliqué, que cela peut amener à bégayer, à balbutier. Maxence fait chalouper son bassin de gauche à droite, les pieds restent ancrés au sols, puissants, solide. Elle est solaire, livre ce poème si dur à lire avec une fluidité limpide. A la guitare Nicolas Losson ne joue pas une mélodie, il marque les scansions des mots.

Le corps de Maxence Rey devient un outil de compréhension du long poème. Elle décoince ses pas, ouvre ses bras, amène un mouvement qui embarque la tête. Sa danse se fait légère, accueillante.

PASSIO.PASSION extension porte bien son nom. Cette poésie dansée et écoutée devient autre chose, comme une métamorphose. C’est intelligent, c’est doux. En résumé, c’est une petite forme que l’on aime, un peu, beaucoup, à la folie… non ! Passionnément !

Suite aux représentations de PASSIO.PASSION extension à la collection Lambert, Avignon, dans le cadre du festival Les Hivernales-CDCN Avignon – 12 février 2022
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LES BOIS DE L'OMBRE

La forêt et la nature inspirent les chorégraphes

Besoin de se reconnecter à la nature ? Après Daniel Linehan, qui a présenté les 28 et 29 août sa dernière création, Listen here : these words dans la Forêt des Soignes, à Bruxelles, et avant le solo Les bois de l’ombre de Maxence Rey, de la compagnie Betula Lenta, le 12 septembre dans la forêt domaniale de Bercé dans le cadre de L’Assemblage de l’Ebauche à Jupilles, ou encore le festival Dedans-Dehors qui animera le 18 septembre le parc et la forêt de Tremblay-en-France, le Centre chorégraphique national de Caen organise cet automne des « randos dansées » pour associer la nature, le corps et les questions de société. Premier rendez-vous le samedi 11 septembre dès 9h30 pour une journée de randonnée animée par l’association grenobloise Versants Queer avec des danseurs du CCN, permettant d’aborder en mouvement les questions de genre et d’identité. La veille au soir, un apéritif permettra de briser la glace et de trouver la bonne tenue ou accessoire pour la randonnée, en puisant dans les réserves de costume du CCN. L’esprit Priscilla, reine du désert, le film Queer culte et australien, est de retour !
Le samedi 25 septembre, la balade permettra de partir en dansant à la recherche des plantes comestibles dans la ville de Caen, qui entreront dans la préparation et la dégustation d’une recette. Enfin, le 16 octobre, sac à dos et chaussures de randos de rigueur pour un « trek danse », exploration urbaine au cœur de la ville de Caen. (DG)

Annonce de la représentation du 12 septembre 2021, en forêt domaniale de Bercé à Jupilles, dans le cadre de l’Assemblage de l’Ébauche 2021

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Val-de-Marne : la culture reprend la route à Arcueil, Charenton et Cachan

Outre les découvertes des Journées européennes du patrimoine de ce week-end, il est aussi des rendez-vous culturels à ne pas manquer dans le Val-de-Marne dès ce vendredi.

La culture est de retour, et pas seulement avec les Journées du patrimoine ! Expositions, concert, pièce de théâtre… Voici trois rendez-vous à ne pas manquer ce week-end.
A Arcueil, un programme très dense
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Expressions Plurielles à Charenton
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Rentrée artistique à Cachan
Après plusieurs mois d’absence, l’équipe du Théâtre Jacques-Carat retrouve son public pour démarrer une nouvelle saison La fête de lancement se déroulera sur deux jours, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du théâtre. Au programme, dès 14h30, des activités ludiques puis de la danse avec Maxence Rey de la compagnie Betula Lenta (16 heures), du théâtre-conte avec « Le champ des possibles » d’Élise Noiraud de la compagnie 28 (18 heures), un apéro-concert avec la jeune musicienne Alice Foselle (19h30) puis du cirque avec la funambule Johanne Humblet.

Annonce de la représentation au Théâtre Jacques Carat de Cachan – 19 septembre 2020

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Les deux faces de Janus

Il est étonnant de voir jusqu’à quel point une œuvre peut changer de visage et, même, totalement son sens originel selon les lieux et les circonstances selon lesquelles elle est présentée, la lumière, voire le temps. L’opus 1 de Maxence Rey, Les bois de l’ombre, est un solo créé à Montreuil en mars 2010, solo qui interroge la transformation, la mutation, la métamorphose du corps. Une pièce qui nécessite, pour le spectateur, de pénétrer jusqu’aux tréfonds de l’âme de son auteur, de s’éclairer de sa lumière intérieure, de se glisser dans son ombre jusqu’à se substituer à elle. Si l’œuvre avait été créée dans une petite salle totalement obscure, elle avait cependant été conçue pour être présentée dans les lieux les plus divers, voire même atypiques tels parcs ou jardins, musées ou centres d’exposition, halls et lieux publics, voire même appartements… La noblesse de l’attitude de son auteur-interprète avait laissé planer un étrange et indéfinissable parfum qui m’avait alors inspiré ces quelques lignes :

« Elle est là, assise, immobile, dans la pénombre, le visage figé, éclairé par un pâle rayon de lune. Dans le silence de la nuit. Sa fragilité inquiète autant qu’elle attire, sa présence, mystérieuse, énigmatique, inspire par instants la peur. Qui est-elle ? Qu’attend-elle ? La pâleur iconique de ses traits évoque une vierge de Cranach, son attitude hiératique et sa coiffe, une haute noblesse. Une femme sphinx ? Un parfum de mystère émane de son regard qui nous regarde sans nous voir, absente. Son corps s’anime soudain, s’étire, se tend. Sa coiffe, un cône renversé tourné vers le ciel comme pour attirer les foudres, prolonge son corps, l’ouvrant sur l’infini. Petit à petit, celui-ci se dévoile, sort de l’ombre, laissant apparaître sa fragilité. L’univers sonore de Vincent Brédif le caresse, le pénètre, le dépouille, le secoue, le transforme. Jouet dérisoire que l’on casse. L’enveloppe noire dont ce corps était ceint se brise peu à peu. Une femme apparaît alors dans toute sa crudité, son humanité, son accessibilité. Une enveloppe fragile la recouvre encore, empêchant sa chair de parler. Elle disparaîtra peu à peu sans avoir toutefois dévoilé son mystère, sans avoir livré son secret ».

C’est dans un espace radicalement opposé qu’il nous est donné de revoir cette pièce, un chantier de construction flanqué de deux immenses blocs d’immeubles dans une zone d’aménagement concertée (ZAC) d’Ivry. Un lieu magique s’il en est un, à mi chemin entre un chantier de fouilles et un forum éphémère, au sein duquel le public accède par une passerelle de planches posées à même le sol. Un lieu en mutation qui, par conséquent, sert à merveille les propos de la chorégraphe. Mais aussi un lieu insolite, à priori peu amène pour accueillir un spectacle, a fortiori chorégraphique.

Les Bois de l'ombre © Jean-Marie Gourreau
Les Bois de l’ombre © Jean-Marie Gourreau

Présentée dans un tel site au coucher du soleil, l’œuvre, interprétée sur une butte de terre en guise de scène, devait évidemment prendre une autre signification et perdre un peu du mystère induit par les lumières de Cyril Leclerc dans l’obscurité du théâtre. Mais elle prit une autre dimension, révélant bien évidemment la beauté de l’espace en le mettant en valeur mais aussi la féminité et la poésie de l’être dansant s’abandonnant peu à peu aux voluptueuses caresses des rayons rougeoyants du soleil couchant. Une œuvre à deux visages qui, par conséquent, mériterait d’être vue – et donc présentée consécutivement ou en alternance – de jour comme de nuit…

Les Bois de l'ombre © Jean-Marie Gourreau
Les Bois de l’ombre © Jean-Marie Gourreau

Suite à la représentation en extérieur à TRANS/2 – Ivry sur Seine – 7 septembre 2012

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CURIOSITIES SOLO

Rencontre entre une chorégraphe et une bibliothèque

Maxence Rey, chorégraphe et danseuse, et les Cachanais ont partagé un moment de poésie et de mystère à la bibliothèque centrale lors de cette rencontre singulière.

Médiathèque du centre - Cachan - © Perrot
© Perrot

Médiathèque du centre - Cachan - Lecture © Perrot
© Perrot

Après-midi danse, partagé avec Frédérique Bruyas, lectrice publique, proposé à la médiathèque du centre en collaboration avec le théâtre Jacques Carat – Résidence 2018-2019 – Cachan – 9 février 2019

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Rencontre avec une chorégraphe et une bibliothèque à Cachan

• Samedi 9 février 2019 à 15h
• 11 Rue Camille Desmoulins, Cachan, France
Maxence Rey, chorégraphe et danseuse de la compagnie Betula Lenta dévoile les processus par lesquels elle chemine en tant qu’artiste
Après midi de danse là où on ne la trouve pas habituellement. Au menu : – une performance chorégraphique, Extension, dans les espaces de la bibliothèque, là où corps rime avec poésie, métamorphose et mystère. – un atelier découverte de 2h, Comment mettre en mouvement un mot ? (ouvert à tous) Cet atelier est un espace singulier de partage à travers le geste et la danse, le regard, la rencontre et la parole.
Maxence Rey, chorégraphe et danseuse de la Cie Betula Lenta, invite les participants à découvrir les processus par lesquels elle chemine en tant qu’artiste.
En partenariat avec le Théâtre Jacques Carat.

Après-midi danse, partagé avec Frédérique Bruyas, lectrice publique, proposé à la médiathèque du centre en collaboration avec le théâtre Jacques Carat – Résidence 2018-2019 – Cachan – 9 février 2019

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PARCOURS CHORÉGRAPHIQUE

À Dijon, Maxence Rey se dévoile au Musée des Beaux-Arts

Dans la galerie de Bellegarde, sous la voûte en berceau en bois, quelle est cette femme hiératique vêtue de noir, assise sur un cube blanc ? Elle semble statufiée, cette femme aux cheveux à la garçonne, avec son étrange chapeau noir. Elle semble incongrue au milieu de ces tableaux de la Renaissance et de l’époque baroque. Pourtant, elle est figée comme ces figures conventionnelles qui sont en représentation sur les murs, et à la fin, elle leur ressemble. Que sont ces « Bois de l’ombre » ?

Petit à petit, la danseuse s’anime, mais les mouvements effectués alors qu’elle est assise, sont progressifs et saccadés comme ceux d’une marionnette malhabile. Ils viennent de l’intérieur, du plexus, du ventre, comme poussés par une force qui les propulse malgré eux. Le résultat est fort et on cherche ce que l’on trouve parfois, une adéquation avec les tableaux environnants. Effectivement, certains gestes se retrouvent dans les exagérations des personnages peints et rendus expressifs pour signifier ou pour enseigner un comportement social.

Le spectateur est dans une proximité troublante avec la danseuse : placé sur le même plan que l’interprète, il se sent ainsi directement concerné par ces arrachements qui sont comme une naissance. Apercevrait-on des bribes de ce que les convenances sociales obligent l’individu à cacher ? Chaque nouveau mouvement provoque un enchaînement gestuel qui en induit un autre, ainsi, une progression s’opère vers l’animé, vers ce qui semble être l’humain. Les attitudes sont belles et, en même temps, elles sont faites dans la tension. Par l’effort musculaire, elles traduisent la difficulté à se débarrasser du superflu.

Petit à petit, le corps se dénude à son tour, le chapeau, la perruque noire, puis la robe sont jetés aux orties. L’apparition de la parole est suggérée par les lèvres qui articulent dans un souffle le poème Les Bois de l’Ombre d’un poète portugais. Le corps dévoilé devient l’unique sujet de la danse. Il entre en résonance avec le tableau voisin qui représente une Vénus lascivement endormie, vêtue seulement de ses bijoux. Elle est nue, quasi extatique. Que se cache-t-il derrière ce visage qui n’est pas celui d’un déesse majestueuse et consciente de sa beauté ? Que se cache-t-il derrière la femme fabriquée par les magazines ?

Danaé se dissimule derrière la déesse, comme la femme de chair et d’os obligée de se cacher sous des oripeaux qui la stigmatisent. Ainsi, Maxence Rey interroge avec angoisse, avec lucidité aussi, la position qu’occupe la femme dans la société. Pourtant, à la toute fin, se dégage une lueur d’espoir.

Suite au Parcours Chorégraphique (Extensions Les Bois de l’Ombre et CURIOSITIES solo) au Musée des Beaux-Arts dans le cadre du festival Art Danse Bourgogne – Dijon – 31 janvier 2018

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Interview réalisée en amont du Parcours Chorégraphique (Extensions Les Bois de l’Ombre et CURIOSITIES solo) au Musée des Beaux-Arts dans le cadre du festival Art Danse Bourgogne – Dijon – 31 janvier 2018

Lien la page de Radio Shalom Dijon

Art Danse Bourgogne : un anniversaire à ne pas manquer

Pour fêter ses 30 ans d’existence le festival Art Danse invite 20 compagnies afin de poursuivre l’exploration d’un univers artistique qui navigue de la «douceur à la douleur du monde», ouvre les frontières, défie les murs qui tentent de séparer les uns des autres et déconstruit les a priori toujours renouvelés sur l’art chorégraphique. Nous y trouverons de grandes choses : Kreatur de Sasha Waltz en ouverture à l’Opéra de Dijon, pièce pour 14 interprètes et le trio berlino-new yorkais Soundwalk Collective ou Initio [LIVE] de Tatiana Julien et ses 13 interprètes + un chœur au plateau, le cinématographe circassien de Boris Gibé avec Bienheureux ceux qui rêvent debout sans marcher sur leur vies. Il y aura L’Histoire spirituelle de la danse de David Wahl, Le chœur à plusieurs cœurs des Cheminants, un Parcours chorégraphique de Maxence Rey au Musée des Beaux-Arts, un match d’impro dansée par Androphyne, Podium ou le SWING Museum de Fattoumi & Lamoureux. Une soirée partagée entre Sous la peau de Nathalie Pernette et Sous ma peau de Maxence Rey. Des découvertes en perspectives, des reprises, des rencontres… Un programme qui déborde de son cadre, clin d’œil aux 400 pièces de danse que le festival a partagé avec les spectateurs pendant ces trente dernières années !

Annonce du Parcours Chorégraphique (Extensions Les Bois de l’Ombre et CURIOSITIES solo) au Musée des Beaux-Arts dans le cadre du festival Art Danse Bourgogne – Dijon – 31 janvier 2018

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ALTÉRITÉ - UNE FEMME UN HOMME

Danser pour défier les apparences sexuées

La danseuse et chorégraphe Maxence Rey poursuit son exploration du corps féminin en accordant une grande place à la performance. Dans le cadre de sa résidence dans le théâtre de l’Etoile du Nord, elle a invité des artistes femmes – à une exception près – à la rejoindre pendant trois jours. Résultat : la remise en question de la féminité et du genre en général.

La scène est noire, la musique absente. Au fond, une forme incertaine éclairée de lumières bleuâtres. Peu à peu, elle prend vie, se dilate. D’étranges volumes couleur chair commencent à sortir de leur membrane plastique. Ils sont comme expulsés de l’intérieur de cette structure. Le spectateur est témoin d’une naissance d’un autre genre.

Des formes féminines, dont la peau est complètement dissimulée par une combinaison intégrale noire, finissent par s’échapper en grignotant le plastique. Les corps s’entrelacent, rampent, roulent avec les formes molles, se confondent avec elles, occupent l’espace. La respiration haletante presque angoissée et le froissement du plastique sont les seuls sons s’échappant des planches. Soudain, les corps sont nus, on ne voit pas tout à fait les visages, que des fesses, des bras, des cuisses, rouler sensuellement sur la matière molle.

« Qu’est-ce qu’un être normal ? »

Il va falloir attendre la fin du spectacle, Isotope, pour comprendre que cette matière en mouvement est une sculpture nommée Mitsi et que derrière une des combinaisons se cache l’artiste plasticienne Elisabeth Saint-Jalmes. « Il s’agit d’explorer la difformité de l’être humain. Qu’est-ce qu’un être normal ? », se demande la plasticienne pour qui les corps qu’elle met en scène ne sont ni féminins ni masculins. Elle était accompagnée des danseuses Blandine Pinon et Mathilde Monfreux. « Ce qui est important pour moi dans cette création est l’emboîtement du féminin et du masculin sans forcément définir ce qu’est une femme ou un homme. Il faut défier les apparences », conclut-elle.

Entre désirs et frustrations

Parmi les artistes invités de Maxence Rey, un seul homme a pu se faire une petite place. Il s’agit du comédien et chanteur Christophe Bonzom qui a choisi de se taire sur scène et donner la parole aux désirs des femmes à travers un enregistrement sonore truffé d’humour. Alors que l’artiste s’avance lentement sur scène complètement nu et frêle, on entend au loin les rires de femmes anonymes qui parlent de leur sexualité. « Je m’endors en reniflant ma culotte mouillée.» Des mots crus comme « bite » et «con» en côtoient d’autres plus aériens et laissent entrevoir l’ample éventail de situations auxquelles les femmes sont confrontées dans leur intimité.

Entre désir fougueux à assouvir et frustrations, ces femmes qu’on devine de tous âges, offrent un spectacle sonore auquel on a rarement l’occasion d’assister ; le désir féminin à l’état brut étant encore tabou.

Les témoignages de toutes ces femmes emplissent tellement les oreilles qu’on oublie presque Christophe Bonzom qui a l’air terrifié, écrasé, par ces mots qui lui sont étrangers. On pourrait deviner la difficulté de certains hommes à entendre la sexualité féminine s’exprimer aussi franchement. Ce n’est pourtant qu’une interprétation. Car sa nudité le laisse aussi vulnérable que ces voix qui s’exposent. L’artiste confie que l’invitation de Maxence Rey à participer à cette série de spectacles l’a profondément troublé. Un trouble qui se ressent sur scène. «Nous verrons ce qu’il adviendra », dit-il à propos de cette (re)présentation. Ce qui advint, en tout cas, c’est la réceptivité du public plutôt averti qui riait – parfois avec gêne – à gorge déployée.

Poésie en mouvement
Dans un tout autre registre, se déroule Rouge avril en corps et voix. Ou quand la poésie et la danse s’entremêlent. Toute vêtue de noire, l’écrivaine Hélène Lanscotte se tient face aux spectateurs. Maxence Rey, également en noir est étendue par terre les jambes fléchies. L’écrivaine lit son poème. Ses mots sont la musique qui met en mouvement le corps de la danseuse qui ne lâche pas la poétesse d’une semelle, la chorégraphe s’enroule autour de sa partenaire de scène, la suit et quand on l’attend le moins, se met à chanter. Si elles partagent l’espace et si les gestes s’accompagnent, elles ont l’air d’être chacune dans des mondes à part : dans ceux de la parole et de la chair. Et pourtant, comme dans Isotope, un corps n’est que le prolongement de l’autre. Une fois de plus, il s’agit d’emboîtement, mais cette fois-ci d’un corps féminin dans l’autre. De quoi s’interroger sur les limites de la définition de notre anatomie.

On retrouve une des caractéristiques de la création de Maxence Rey : le partage. Et partager, elle l’a fait en 2012 au cours de l’atelier, Corps et féminité, aux côtés de femmes issues de cultures différentes suivant pour la plupart des cours d’alphabétisation. C’est grâce à ces ateliers qu’elles ont retrouvé la confiance en elles-mêmes. Même si ces spectacles qu’elle a partagés avec ses amis artistes à l’Étoile du Nord sont moins grand public, l’essence de sa démarche est bien là, l’exploration de la féminité et des corps des femmes en s’enrichissant des expériences d’autrui. Elle poursuit d’ailleurs en parallèle ces ateliers et ses chorégraphies dans sa résidence artistique jusqu’à l’horizon 2014.

Suite à la carte blanche à Maxence Rey, les 16,17 et 18 mai 2013 à l’Étoile du Nord.

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